André de Fouquière, homme du monde avant tout, a laissé ses souvenirs, ses impressions d’un monde disparu qu’il a bien connu, monde de l’aristocratie, de la grande bourgeoisie, du dandysme, des Lettres et de la politique. Mais cet élégant royaliste, nommé à la fin de sa vie Président des Parisiens de Paris, n’a pas seulement écrit les cinq volumes de Mon Paris et ses Parisiens, parmi ces œuvres diverses et variées, un fascicule a particulièrement attiré mon attention. Il s’agit d’un très court texte, mis en valeur par le dessinateur, affichiste et caricaturiste Albert Guillaume, sur l’affligeante disparition du corset. Je ne résiste pas à l’envie de le partager avec vous, bien que cela ne soit pas conforme au nouveau féminisme.


Promenade au Bois
Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde;
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité le corset fera foi
Tant la chose en preuves abonde.
La Fontaine n’aimait pas beaucoup les femmes et il lui arrivait maintes fois d’oublier la sienne; les hôtes sylvestres, auxquels il prêtait le langage des hommes, et même celui des dieux, pour flageller les défauts et les vices de l’humanité, l’intéressaient davantage.
S’il revenait au Bois, dans le Sentier célèbre, à l’heure où les Parisiens, épris d’art et d’élégance, flânent, échangent des saluts, ébauchent des flirts, quelles réflexions lui suggéreraient les silhouettes modernes ?
Reconnaîtrait-il comme dignes descendantes de ses contemporaines, les
femmes sans maintien, au buste prématurément épaissi, ou démesurément allongé et dépourvu de tout relief ?
Donnerait-il, au contraire, la préférence à celles qui passent alertes, la taille soutenue, élégantes et sveltes, qu’elles soient moulées dans un costume tailleur ou dans une robe drapée épousant les formes?
Nul doute : les dernières auraient ses suffrages et lui feraient vite oublier les grâces précieuses des grandes dames de la cour; sa bonhomie apprécierait tout le charme de la femme qui, rejetant les excentricités de mauvais goût, garde malgré les exigences de la vie moderne, la suprême distinction, la pureté des lignes, tout ce qui fait du corps féminin un poème de légèreté, de finesse et de séduction.
A.de Fouquières.


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