La Météo, encore la météo, toujours la météo ! Dans les médias, dans les conversations, dans tout ! A croire que le monde ne pense plus qu’à la météo en raison de la catastrophe annoncée par tous les gazetiers : le réchauffement climatique ! A ce propos, je trouve que le réchauffement climatique n’est pas trop d’actualité en ces mois de septembre et octobre 2022. Mais soyons sérieux, les tempêtes, orages, inondations, canicule ne datent pas de notre siècle menacé par le réchauffement climatique. Tous les siècles ont connu des catastrophes météorologiques : mais les médias restaient dignes et la vie des lecteurs n’était pas suspendue aux prévisions, conseils, alertes et j’en passe.

Au XIXe siècle, la météo pouvait être un sujet fourre-tout pour cacher la timidité, le malaise, l’ennui face aux autres, aux conversations, aux rencontres. Dans Le Rouge et le Noir, Stendhal évoque ce recours à la météo pour éviter les sujets fâcheux dans un salon sous Charles X : « Les jeunes gens qui venaient rendre des devoirs, ayant peur de parler de quelque chose qui fît soupçonner une pensée, ou de trahir quelque lecture prohibée, se taisaient après quelques mots bien élégants sur Rossini et le temps qu’il faisait. »

Charles Monselet, dans un petit texte ironise sur la manière dont le Parisien se sert du temps pour se mettre en valeur (Figurines parisiennes 1854): « Il pleut, il pleut … S’il y a un chapitre à écrire, c’est principalement sur la fange proverbiale des trottoirs parisiens. Après l’eau, l’air et le feu, la boue peut être classée, du moins sur cette partie du globe essentiellement crottée, comme un nouvel élément et prendre place en cette qualité dans les manuels de physique. Comment la boue se produit d’un instant à l’autre, c’est un phénomène, une énigme. Dix minutes d’une pluie volante suffisent pour changer en cloaque le quartier tout à l’heure le plus net et le mieux entretenu. – Mais peu importe au bourgeois de Paris ! au contraire ; le bourgeois va à la pluie comme le fer à l’aimant, le papillon à la chandelle. C’est sa glu, à lui. C’est juste au moment où le ciel se rembrunit, qu’il songe à l’affaire importante qui l’appelle à l’autre quartier de la ville ; et point ne remettrait si belle partie au lendemain. Néanmoins, comme le bourgeois de Paris est un homme prudent et de précautions, il se munit du parapluie, ce roi des meubles ; et le voilà qui se met en route, après avoir déclaré que cette pluie ne serait rien. – Remarquez bien qu’il est persuadé du contraire ; sans cela il ne serait point sorti. – Mais quelle jouissance pour lui et quelle noble conquête de choisir le pavé le plus propre au milieu de ces pavés engloutis par l’averse ; de disputer aux plus opiniâtres le trottoir du côté des maisons ; de hausser et de baisser alternativement son parapluie selon la taille des passants, tout en risquant de l’accrocher dans les enseignes ou d’éborgner ceux qui sortent des magasins ! Il ferait dix lieues de la sorte, sans s’apercevoir qu’il est trempé jusqu’aux os. De temps en temps, et pour l’acquit de sa conscience, il hèle un omnibus qui l’éclabousse, mais il a bien le soin de ne s’adresser jamais qu’au plus complet. S’il a l’occasion de passer sur la place du Carrousel, il la saisit avec empressement, dût-il même être forcé de faire un détour pour cela. Il peste contre le vent, il maudit les gouttières et les ruisseaux, mais ce n’est pour lui qu’un thème purement de convention. Examinez plutôt l’aimable expression de sa figure, lorsque la violence de la pluie le force à se réfugier sous une porte cochère. – Ah ! messieurs, quel abominable temps ! s’écrie-t-il en saluant avec urbanité. – Vient-il à monter chez un de ses amis, la scène prend alors un aspect plus héroïque ; c’est avec une orgueilleuse satisfaction et un sourire de conquérant qu’il s’entend adresser des reproches sur son imprudence : – comment avez-vous pu vous décider à sortir par une pluie semblable ? C’est de l’entêtement, de la folie ! vous en ferez une maladie, bien certainement ; voyez un peu comme l’eau ruisselle de votre redingote ! – C’est vrai, répond-il, et de mon chapeau aussi. – Ainsi fait le Parisien, cet homme souverainement heureux, qui prend le temps comme Dieu le lui envoie, et qui ne se plaint autrement que pour la forme ; être à demi aquatique qui passe à travers les plus grandes tempêtes, sans en presque rien sentir. – Pour un Parisien qui attrapera un rhume de cerveau à s’être mouillé les pieds une demi-journée, trente Provinciaux gagneront une fluxion de poitrine. Mais le Parisien est une plante qui a souvent besoin d’être arrosée par l’eau du ciel. »

Charles Monselet : 1825-1888

En 1910, ma grand-mère, comme beaucoup, connut la crue de la Seine et des crues il y en eut au Moyen Age, au XVIIe siècle et personne n’a fait d’obsession sur la météo. La crue de la Seine fut un évènement de grande ampleur et les articles des journaux et des revues scientifiques ne manquèrent pas mais aucune obsession météorologique ne naquit de cette crue.

En 1914, lors de la mobilisation, l’été fut si chaud que lors des longues marches, les Poilus mouraient d’insolation et cela dura tout le mois de septembre mais il ne vint à l’esprit de personne de parler de réchauffement climatique.

En 1930, lors d’une conférence, Francis de Croisset, évoquant 1830, rappelait que déjà à cette époque le froid était glacial et que les Parisiens continuaient à vivre malgré le gel. La passion du thermomètre, entre les deux guerres, commençait déjà à faire des ravages : « Nous sommes donc en 1830, nous sommes même exactement le 7 février 1830, c’est-à-dire, jour pour jour, il y a cent ans. Tout d’abord, il ne faudrait pas croire, parce que nous sommes au seuil d’une révolution, que l’on ne s’occupe à Paris que de politique. Une préoccupation domine toutes les autres : celle de thermomètre, et même du thermomètre de l’ingénieur Chevallier, le premier thermomètre centigrade français. Comme depuis cent ans, l’on n’avait eu en France aussi froid, qu’il gelait à treize degrés sous zéro, pour un thermomètre qui débute, c’était vraiment un succès. Dans les vieux hôtels du Faubourg, on désertait les salons glacés du premier étage pour se réfugier dans les petites pièces basses des entresols. La navigation était interrompue sur tous les fleuves et la Seine à ce point gelée que l’on projetait d’y construire, en aval du pont Royal, un palais de glace, comme à Saint-Pétersbourg sur la Néva. Transis, les Parisiens souhaitaient le dégel et le redoutaient tout à la fois. Une première débâcle, en effet, avait emporté la plupart des ponts. L’on pressentait de nouvelles inondations et la presse, inquiète de l’incurie gouvernementale, s’écriait : « A quoi pensent les pouvoirs publics ? Ils ne font donc rien ? » Il y a, décidément, certaines choses qui ne changent pas.
Mais le froid qui faisait tant souffrir le peuple n’empêchait point les gens du monde de s’amuser, de s’amuser charitablement. Partout, des bals de bienfaisance s’organisent : à l’Opéra, à la Porte Saint-Martin, à l’Odéon. Tous sont travestis. La duchesse de Berry, qui déjà à fort à faire avec le bal costumé qu’elle donne le 15 février, prend la tête de ces manifestations secourables. Tout le monde veut danser pour le peuple.
Les dandys, sortant leurs traîneaux, galopent d’un costumier à l’autre. Sous leurs hauts chapeaux évasés, la taille prise dans leur pelisse et cravatés jusqu’aux yeux, ils fouettaient leurs pur-sang, que drapait une peau de tigre. Tous avaient envoyé à leurs belles amies pour le premier de l’An une bouillotte et, dans leurs coupés doublés de satin jaune et tapissés d’un tapis de la Savonnerie, les élégantes passaient, emmitouflées, une boule d’eau chaude dans leurs manchons. Devant Tortoni, les chevaux de selle, sous leurs couvertures, piétinaient, attachés aux arbres du boulevard de Gand. Les fashionables, que l’on appelait aussi les gandins, les merveilleux, les favoris ou les bijoux, soupiraient en songeant que, deux mois plus tôt, ils s’alignaient sur les chaises de paille qui bordaient le café de Coblentz. Le temps était si doux qu’entre la rue Taitbout et la rue du Helder les belles dames, dans leur briska, leur calèche ou leur daumont, dégustaient en potinant tant de sorbets que leurs équipages arrêtés organisaient un encombrement. Le froid déplaisait aux dandys et aux muses, que l’on n’appelait pas encore des lionnes, le premier roman de George Sand n’ayant pas encore paru. Le froid leur bleuissait le nez, leur rougissait la figure. Ils avaient beau boire du citron et même du vinaigre, passer les nuits et jeûner, toute cette jeunesse ambitieuse de pâleur, mais fouettée, par la bise, finissait tout de même par avoir bonne mine. En un mot, les gandins avaient l’air bien portants. Quelle disgrâce pour des romantiques !
A peine étaient-ils sortis sous la bise que le comte d’Orsay, Roger de Beauvoir, Alfred de Musset, Eugène Sue lui-même retrouvaient un air de santé
. »

Francis de Croisset (pseudonyme d’Edgar Franz Wiener) : 1877-1937)

Et en 2022, je ne peux plus entendre des stupidités du genre : « on n’a jamais vu ça, il n’y a plus de saisons, le réchauffement climatique, les catastrophes, les falaises qui s’écroulent, la mer qui avance, les inondations etc… », je ne supporte plus ces nunuches et nunuchettes qui viennent, avec un air de circonstance, nous expliquer qu’il fait froid, chaud, que l’orage gronde et que la pluie mouille : et par-dessus le marché l’on a droit à des alertes colorées qui bêtement s’affichent sur les écrans de toutes natures.

Dois-je rappeler que la météo dans son acception moderne fut conçue par un très sérieux astronome et mathématicien, Urbain Le Verrier, directeur de l’Observatoire de Paris, sur la demande de Napoléon III après une tempête qui provoqua la perte de 41 navires sur la Mer Noire, lors de la guerre de Crimée. Il est bien le fondateur de la météorologie moderne et met en place un réseau d’observatoires météorologiques destinés aux marins pour les prévenir des tempêtes. La première prévision sur 24h date de 1863.

Urbain Le Verrier 1811-1877

Avec l’aviation, à partir de 1910, ces prévisions devinrent plus précises et plus indispensables. Il serait trop long de revenir sur l’histoire de la météorologie mais il suffit de savoir que ce mot fut créé par Aristote qui écrivit au IVe siècle av. J.C. : Les Météorologiques (Μετεωρολογικῶν) : « étude des corps et des phénomènes célestes qui se produisent dans une zone moyenne entre la lune et la terre. » et que la météo telle qu’on l’entend aujourd’hui se résumait, à partir du XVIe siècle et malgré Galilée et son thermoscope, Torricelli et son baromètre ou Hooke et son anémomètre et autres inventions, à une série de dictons paysans qui n’étaient parfois pas sans intérêt.

Ainsi la météorologie était une science, mais Evelyne Dhéliat présentatrice depuis 30 ans de la météo, a su nous faire oublier cette évidence : météorologie : science qui étudie les phénomènes affectant la partie la plus basse de l’atmosphère terrestre (ou troposphère) et branche de la « physique qui traite des météores et des variations de l’atmosphère »(Larousse)

Tous droits réservés : Jeanne Bourcier

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