Nous sommes libres, nous nous sommes battus pour la liberté sexuelle, nous placardons, à travers les villes, les villages, les transports en commun, sur tout ce qui peut servir de support, des affiches sensuelles, libidineuses, graveleuses, enfin tout ce qui peut servir à émoustiller notre libido. Et alors, nous nous sommes assez battus ! Et particulièrement les femmes qui réclamaient, à juste titre, l’émancipation, le droit de disposer de leur corps … ! Moi, il me semble, lorsque je vois tous ces corps féminins étalés lascivement sur des affiches, que nous sommes loin du compte et que les femmes restent, aux yeux d’un grand nombre d’entre nous, des objets sexuels. C’est un progrès car le message de ces images parfaites montre bien que les femmes ne doivent plus être des ménagères attachées au service de leur petite famille, mais des esclaves de leur corps, de leur beauté, de leur jeunesse afin de plaire aux hommes et si possible aux hommes plus jeunes d’où la mode des couguars et du botox !

De façon assez étonnante, les femmes dont l’ascension et la fortune sont dues à leurs charmes, ne l’assument nullement et par l’intermédiaire des médias, tentent désespérément de nous persuader qu’elles sont des intellectuelles, des artistes, des chanteuses, enfin tout ce qui peut faire fantasmer dans les chaumières (selon les sondages télévisuels) ! L’on veut nous faire croire que les courtisanes ont disparu ! Mais la Belle Otéro, Cora Pearl, Liane de Pougy, Emilienne d’Alençon, La Castiglione, La Païva etc…ont fait des émules qui, malheureusement, se donnent des airs de Sainte-Nitouche.

Ces courtisanes de ce XIXe siècle, si décrié en raison de la condition féminine, assumaient totalement, sans baisser la tête, leur statut de courtisanes, de femmes entretenues par les hommes fortunés de Paris. Sarah Bernhardt, elle-même, ne cachait pas ses nombreuses liaisons, souvent rémunérées et Coco Chanel put s’installer grâce aux largesses d’un de ses amants, Boy Capel, qu’elle remboursa plus tard pour ne pas être assimilée aux femmes entretenues et ainsi assumer sa liberté, mais elle n’eut pas honte de ses débuts.

J’aime cette franchise, pas de fausse pudeur, pas de mensonges. Tout le monde savait, par exemple qui était Émilienne d’Alençon, et personne ne s’offusquait que, protégée par le duc Jacques d’Uzès, elle « présenta une série de lapins savants, qui faisaient toutes sortes de cabrioles et de tours »1 au cirque Marigny et cela dans une tenue fort affriolante : elle « portait une robe extrêmement courte, bleu ciel et des chaussures noires contrastant avec sa merveilleuse peau rosée. »2. Tenue qui avait inspiré à Raoul Pochon3 un madrigal, assez salé, et surtout public :

Emilienne Puisque vous faites voir vos cuisses Souffrez que je montre les miennes C’est le moins que faire je puisse Et pour vous un marché, je crois, – Avantageux- car j’en ai trois Vu qu’il m’en pousse une troisième Au même instant que je vous vois Beauté que j’aime !

Un de ces chroniqueurs, dits subversifs et qui déversent à longueur de temps leurs blabla, souvent ineptes, devant toutes ces belles courtisanes de notre époque si libre, qui s’étalent dans nos médias soi-disant irrévérencieuses, un seul oserait-il écrire un madrigal, ou tout au moins un article faisant référence à la cuisse légère de ces biches du XXIe siècle ?

1/ Jours heureux d’autrefois, Marcel Fouquier, Albin Michel 1941

2/ Opus cité

3/ Raoul Ponchon : 1848-1937 Ecrivain et chroniqueur qui se considérait comme un petit rimailleur du quotidien.

Tous droits réservés : Jeanne Bourcier

2 réflexions sur “Sexualité

  1. Un très bel article! Et, pas seulement en images, extrêmement bien illustré et vivant! Un grand merci . c’est un bonheur de suivre votre regard là où il se pose. On n’est pas déçu!!

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