Je n’aime marcher qu’en ville. Je suis Parisienne et j’ai marché dans ma ville pendant des années, marchant avec mon Hillaret* à la main, m’arrêtant devant les immeubles, les plaques, entrant dans les églises, les musées, longeant les quais, fouillant dans les bacs des bouquinistes, entrant dans les boutiques, cherchant le bouquiniste exceptionnel, m’arrêtant à une terrasse ou dans un salon de thé, me promenant au Luxembourg. Ah ! le Luxembourg ! Enfant, j’y jouais avec mes frères ou des camarades, pendant que Maman discutait avec une amie ou crochetait ou lisait, la dame des chaises passait pour encaisser le prix de la location du fauteuil dans lequel Maman était assise, les gardiens passaient régulièrement pour s’assurer que les enfants ne jouaient pas sur la pelouse, nous faisions de la balançoire après avoir donné quelques centimes à la dame de la balançoire, parfois Maman nous mettait dans le parc payant aux nombreuses activités enfantines, nous allions chercher nos glaces ou nos gâteaux dans les kiosques aux mille et unes merveilles, c’était dans un d’entre eux que Maman m’avait acheté mon cerceau en bois derrière lequel j’aimais tant courir. Jeune fille, j’y cachais mes chagrins, j’y retrouvais des amis, je m’y installais avec mes livres pour travailler, j’y attendais mon petit ami. Jeune maman, j’y emmenais mon bébé, il s’endormait sous les arbres centenaires, et je transformais un des fauteuils sur lequel Maman s’était assise bien des années auparavant en nursery, j’y changeais mon fils, je lui donnais le sein et plus tard son goûter. Aujourd’hui mon Luxembourg est devenu un parc pour joggers qui soufflent et crachent tout au long de leur parcours, sans jamais prendre le temps de se poser sous un de ces magnifiques arbres pour écouter leurs histoires.
A suivre …
Tous droits réservés : Jeanne Bourcier