On a compris la bourgeoisie inférieure : Le boutiquier ignare et cupide, le mince propriétaire, l’avocat, le médecin, le notaire de bas étage, le banquier à la petite semaine, – ces innombrables médiocrités qui pullulent à notre soleil, et qui, n’ayant retenu de l’éducation libérale absurdement prodiguée, que ses défauts, que ses tendances vicieuses, ne comprennent et ne pratiquent le monde qu’au point de vue de leurs intérêts mesquins , souvent mêmes ignobles.
Partout où j’ai étudié cette fraction de notre monde, j’ai rencontré les mêmes idées stagnantes, la même inintelligence absolue en politique, le même amour pour des nullités fétiches, la même imprévoyance niaise de l’avenir, la même ambition naïve, effrénée, stupide, la même imperturbable opinion de son infaillibilité, qui distinguèrent à un degré si éminent les bourgeois libéraux de la restauration, le garde national réformiste du règne de Louis-Philippe. Et quelle déplorable influence exerce aujourd’hui , sur nos destinées , cette sorte de gens ! C’est l’infime bourgeoisie qui , dans chaque localité , immobilise une sourde opposition contre le système , quel qu’il soit, qui nous régit ; c’est elle, qui, par son féroce amour-propre, par sa ténacité puérile, empêche toute transaction entre les honnêtes gens des différents partis ; c’est elle qui, à l’heure sonnante, combat acharnement, par l’organe de ses dignes représentants, Thiers, Chambolle, et autres qui ne valent pas la peine d’être nommés, la doctrine de la fusion, notre dernier port de salut ; c’est elle qui se fait l’imbécile écho de tous les bruits fâcheux pour la tranquillité publique . –
Ce texte est extrait de Vie ou mort de la Bourgeoisie (1851) écrit par Charles de la Varenne (1828-1867) : un noble qui, jeune homme, suivit les révolutionnaire de 1848 et qui écœuré revint à ses valeurs de descendant des Croisés. Sa plume acerbe contre ceux qui l’ont déçu vaut la lecture. Sa vision du petit bourgeois ne manque ni de fiel, ni de justesse.


Evidemment lorsque l’on pense bourgeois, l’on ne peut s’empêcher de citer Henry Monnier, le génial créateur de Mr Prudhomme, le prototype universel et indémodable du bourgeois. Mais Henry Monnier ne s’est pas arrêté là et il a écrit et illustré La Physiologie du Bourgeois (1841) : un bijou ! Monnier caricaturiste, illustrateur, dramaturge et acteur inspira tous ceux qui s’intéressèrent aux bourgeois même le père de Gaston Lagaffe, André Franquin s’en inspira pour dessiner son maire de Champignac.



Tous droits réservés : Jeanne Bourcier