Nous sommes, parait-il, au XXIe siècle et pourtant hier, 31 janvier 2023, j’ai eu, l’espace de deux heures, l’impression de vivre en 1850. Ma fille déménageait et cherchait à louer un véhicule utilitaire, jusque là rien de bien extraordinaire ! Mais elle est tombée sur un site Allo Voisins et elle a trouvé un monsieur qui se louait avec sa camionnette pour 30e de l’heure. Aussitôt vu, aussitôt fait et le déménagement, en 2h, fut torché ! Et moi, j’ai reconnu en cet homme, le commissionnaire des siècles passés, qui disparut au début du XXe siècle avec l’arrivée des ascenseurs, des livreurs, des coursiers et des pneus (les courriers pneumatiques : La Poste pneumatique de Paris était le système de tubes pneumatiques desservant Paris entre 1868 et 1984). Le commissionnaire était le messager, le porteur … Mais je préfère laisser la parole d’abord à Roger Portalis, dans cet extrait de Paris qui crie (1890) :

Mais c’est surtout Jules Janin qui en parle le mieux dans le chapitre Les Petits Métiers dans son ouvrage Les Catacombes : Le commissionnaire du quartier est le plus souvent un épais gaillard à la vaste poitrine, aux larges épaules, à la barbe noire ; on sent, à le voir, que c’est un homme à son aise qui ne doit rien à personne, à qui on doit beaucoup, et qui n’est pas sans avoir quelque bonne réserve pour les mauvais jours. Le commissionnaire du quartier, c’est votre domestique à vous, mon domestique à moi, notre domestique à nous tous ; il est de toutes les maisons, il entre et il sort à volonté ; on l’appelle pour scier du bois en hiver, pour monter les fleurs en été, pour porter une lettre en tout temps ; c’est lui qui conduit monsieur à la diligence, qui va au devant de madame à son retour ; le commissionnaire a un nom propre, tout au rebours des autres domestiques, qui n’ont qu’un simple prénom ; on sait de quel pays il est, quel est son âge et celui de sa mère ; il est l’ami de la cuisinière et l’ennemi du portier ; du reste, indépendant comme un domestique qui a plusieurs maîtres, intelligent et actif comme un spéculateur qui spécule à coup sûr, faisant beaucoup et agissant peu, parcourant beaucoup de chemin en allant au pas, ne disant jamais rien de trop, discret, sobre, patient ; curieux, mais en dedans et pour lui seul, toujours prêt à se mettre en route, toujours prêt à obliger, et obligeant avec le même zèle, soit les affaires, soit les amours. Une rue de Paris ne serait pas complète si elle n’avait pas son commissionnaire à elle, à côté de son épicier ou de son marchand de vin

Et voilà Allo Voisins n’est que la version moderne du commissionnaire !
Tous droits réservés : Jeanne Bourcier