2/ Jacques
Plongée dans Mémoires d’un Parisien de Georges Duval, je découvre un journaliste du nom de Grégory Ganesco par une anecdote qui me fait rire : « Je le vois encore apportant son article.
— Un chef-d’œuvre ! s’écriait-il.
Il s’asseyait, le lisait d’un bout à l’autre avec une emphase désarmante, et le tendait esquissant le geste d’un homme qui vous accorde une grâce.«
C’est alors que Jacques, un artiste local qui créait des œuvres éternelles à partir d’objets récupérés, me revint en mémoire. Nous avions rencontré Jacques dans cette province isolée où, étrangement, nous avions décidé de vivre. Il appartenait à cette catégorie d’artistes régionaux qui se prennent d’importance en raison du succès qu’ils rencontrent dans les vernissages organisés à l’aide des subventions de la préfecture ou de la mairie.
Ayant décidé de tirer de sa léthargie, le collège dans lequel j’enseignais, j’organisai une exposition collective avec les artistes des alentours. Jacques fut un des premiers à répondre présent. Au vernissage, Madame le maire serra des mains, félicita les artistes, on se bousculait, généreusement offerts par la mairie, les piles de petits fours s’amenuisaient, c’était une réussite. Il n’en fallait pas plus à Jacques pour laisser éclater sa candide fatuité. Il s’approcha de moi et le plus sérieusement du monde me dit cette phrase qui résonne encore dans mes oreilles, des années après : « Les autres, c’est bien, non c’est très bien …mais alors moi …c’est génial ! »
Tous droits réservés : Jeanne Bourcier