Tout le monde connaît la Guerre du Feu, tout au moins le film de Jean-Jacques Annaud, de Rosny Aîné, ce visionnaire génial qui fit des merveilles avec le roman préhistorique et qui participa activement à l’émergence de la science-fiction avec son court roman Les Xipéhuz. Mais il fut aussi le président de l’Académie Goncourt de 1926 à sa mort en 1940, après en avoir été membre selon la volonté testamentaire d’Edmond de Goncourt.

dit J.-H. Rosny aîné 1856-1940
En 1904, Fernand Gregh, poète et critique littéraire, publie Étude sur Hugo, essai de critique. Opposé à la poésie moderne, il veut remettre à l’honneur la poésie hugolienne et le romantisme lamartinien et crée , dans cet objectif, l’Ecole humaniste, en 1902. Son étude paraît donc deux ans plus tard et Rosny aîné écrit à cette occasion un petit texte intitulé Le Père Hugo.

Rosny aîné n’est pas méchant, n’est pas acerbe, il tente juste de voir dans l’œuvre d’Hugo, dont il admire par ailleurs le travail, les défauts, quelquefois grotesques, du grand homme. Voici donc quelques extraits de ce très court texte, écrit par un écrivain que l’on ne peut accuser d’être une langue de vipère. après avoir remarqué que « l’élite littéraire le dédaigne presque et lui préfère Baudelaire », Rosny aîné attaque le vif du sujet : » Comme penseur, au sens philosophique, Hugo n’a point d’envergure. Il jongle avec les idées démocratiques courantes, les amplifie ridiculement, émet des prophétie puériles avec la gravité d’un mage. Par là, il fait trop souvent figure de solennel niais, si bien que certains l’ont traité de Prudhomme, même de Jocrisse à Patmos. Je ne lui reproche pas d’avoir été un piètre philosophe, il en va ainsi de beaucoup d’écrivains – mais ils ne pontifient point. » Et Rosny, honnête, rend hommage à la puissance hugolienne, à certains « passages », à certaines images non sans mais rappeler que le génie « pèche souvent par une abondance lassante, par un besoin immodéré du « tour de force ». »
Et Rosny de reconnaître que le Père Hugo peut « égaler les meilleurs » en ce qui concerne les genres de la poésie sauf pour les genres épique et lyrique dans lesquels « il les dépasse tous ». Evidemment, il fait référence à La Légende des Siècles mais malgré son admiration, il ne peut s’empêcher de rappeler : »Ah ! s’il avait pu éviter les niaiseries, les prédictions saugrenues, les fadaises philosophiques, aucun poète, d’aucun siècle, n’apparaîtrait plus grand. »
Voilà, vous pouvez constater que j’ai choisi un critique gentil qui, malgré son admiration pour Hugo, montre du doigt les travers ridicules du poète.

Tous droits réservés : Jeanne Bourcier