Ma patience a ses limites et la guéguerre médiatique pour savoir si les petits garçons peuvent venir en robe à l’école me court sérieusement sur le haricot ! Puis-je me permettre de rappeler que jusque dans les années 40, un petit garçon portait une robe dans le cadre familial et intime ou à la maternelle : oui la maternelle existait déjà. Il faut lire La Maternelle de Léon Frapié, publié en 1904, dans lequel l’on trouve ce passage assez drôle sur le moyen de reconnaître les petites filles des petits garçons : «  »Pour vous les faire connaître rapidement, ce qui est indispensable, me dit la directrice, amusez-vous à les séparer par sexe ». Mais je me trouvai fort embarrassée : ces mioches de deux à trois ans étaient tous en robe et ils parlaient mal. Beaucoup n’avaient pas plus une tête de garçon qu’une tête de fille […] Heureusement Mme Paulin apparut : « je me doutais que vous seriez le bec dans l’eau, dit-elle ; tenez, voilà la manière, quand on ne les connaît pas par leurs noms. » Sans s’attarder à des réflexions, elle attrapa Zizi à pleines mains, par le milieu du corps, le retourna la tête en bas et regarda la marque, comme on retournerait et regarderait l’envers d’une potiche. Cette évolution fut si rapide que l’enfant n’eut pas le temps de dire ouf. « Allez, c’est une fille. Et toi ? … Louton ? Fais voir ton bulletin. Crac ! les pattes en l’air. » Elle en déchiffra ainsi une douzaine à l’envers, en moins d’une minute, absolument le chic d’une ouvrière parisienne : vite et bien. »

Salle de classe 1904 Lunéville

Ah ! j’entends déjà les ligues bien pensantes hurler au crime de lèse-enfance, lèse-genre, lèse-expression et bien moi ce texte me fait rire. Mon oncle qui connut le port de la robe n’était pas traumatisé, il en parlait en souriant. En revanche lorsqu’un petit garçon entrait dans les grandes sections ou à la grande école, il portait des culottes courtes, il ne portera des pantalons que jeune homme. Que cela choque, cela m’est égal mais nous vivons en société et une société a ses règles sinon « où va-t-on Solange ? Où va-t-on ? » (réf Dewaere) ! Sérieusement on nous bassine avec le vivre ensemble mais il est de bon ton de faire ce que l’on veut quand on veut ! Très bien, je me sens pingouin, je sortirai donc en pingouin et le premier qui ose sourire je lui fous un coup de bec !

Les images que je partage sont celle des enfants du Général Ney et celle des Frères Proust, pas de problème, pas de blabla puisque c’était la sphère privée en revanche à l’extérieur, il fallait suivre les règles imposées pour le « vivre ensemble »

Les hommes, depuis l’Antiquité, ont trouvé des moyens détournés pour réaliser leurs envies, leurs fantasmes, ils ont créé les Bacchanales, les Dionysies, les Saturnales, puis le Carnaval. Au XIXe siècle, et particulièrement sous le Second Empire, il y eut aussi le bal travesti qui permettait d’exprimer toute son « agentivité » (Un mot piqué à l’anglais pour désigner la qualité d’agent moral c’est-à-dire qu’on est à l’origine de nos actes, on n’est ni manipulé, ni contraint !) Je ne résiste pas au plaisir de partager deux extraits du livre Les Bals travestis et les tableaux vivants sous le Second Empire de

Pierre de Lano 1852-1904

Le grand succès de cette fête fut pour le jeune comte de Choiseul qui, ayant eu la pensée gamine de se vêtir en femme-en une sorte de soubrette Louis XV, fut méconnaissable et joua si bien son rôle que plusieurs galants le poursuivirent de leurs assiduités et de leurs déclarations pendant fort longtemps avant et après le
souper.

Mme la princesse de Metternich fut de celles qui osèrent le plus dans leurs costumes. Elle s’habilla, à Compiègne, en cocher de fiacre, pour une revue du marquis de Massa, et en diable noir, pour un bal aux Tuileries. Dans son costume de cocher de fiacre, elle chanta des couplets dont la citation suivante donnera une idée, non pas littérairement, mais au point de vue de la légèreté qu’elle recherchait avec tant d’obstination.


Parfois, en modeste toilette,
Je conduis d’assez grand matin,
De belles dames en cachette
Dont le but paraît incertain.
Tantôt sur la place on m’arrête
Et je charge un couple amoureux.
La dame a la jambe bien faite,
Le monsieur parait fort heureux.
Monsieur, Madame, quel endroit ?
Du coin de l’œil on se concerte.
Allons où la campagne est verte;
Allons où la fougère croît.
Le samedi survient et, crac,
Pour La noce il faut que j’attelle;
Et nous allons en ribambelle
Faire trois fois le tour du lac.
En rentrant j’ouvre la portière
Et souvent dans l’intérieur,
J’ai retrouvé la jarretière
De la demoiselle d’honneur.

Cela restait donc dans le cadre intime, dans le cadre d’une fête dans laquelle les idées les plus folles pouvaient être réalisées, même si parfois l’Impératrice rappelait l’étiquette.

Que notre société cesse de voir des problèmes là où il n’y en a pas ! Un enfant de 6 ans reste un enfant de 6 ans, on ne peut pas le laisser faire tout ce qui lui passe par la tête, je n’ai jamais apprécié les enfants rois : Louis XIV à la maison , ce n’est pas pour moi. Ma fille adorait jouer nue dans la forêt, elle était notre petit Mowgli mais jamais elle ne s’est rendue à l’école en Mowgli : suis-je une mauvaise mère pour cela ? Elle a mangé souvent les croquettes de sa chienne car elle était le bébé de sa chienne mais elle n’est jamais allée à l’école avec des croquettes en guise de goûter. Suis-je réactionnaire ? Je ne le crois pas. Suis-je homophobe, transphobe ? Non, grands dieux, non ! J’essaie juste de comprendre 2022 avec mes 62 ans, avec mes références, avec mon cher XIXe siècle, avec mon éducation et avec tout ce qui fait que je suis Jeanne Bourcier.

Tous droits réservés : Jeanne Bourcier

2 réflexions sur “Genre par ci, genre par là …

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