Ce triste mois d’août 2021 se termine sous un ciel gris et monotone, je pense à Baudelaire :
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
– Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Les rues tristes et sales, les passants moroses, les terrasses vides, les commerçants grincheux… comme ils sont loin les mois d’août ensoleillés de ma jeunesse. Depuis les lois liberticides du 12 juillet, le monde que je connaissais à basculer dans un monde dans lequel je ne peux plus me reconnaître : fin de mon parisianisme. Adieu musées, terrasses, spectacles … Je suis comme Perrette et son pot au lait, j’imaginais ma retraite libre, tellement libre … :
Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m’écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m’élit roi, mon peuple m’aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant.
Le jardin aussi est triste, pas d’exubérance florale, pas d’abeilles en revanche des limaces et des escargots gloutons s’empiffrent de mes plantes, je les hais ! Les limaces me dégoûtent mais les escargots, malgré ma colère, m’attendrissent avec leur petit air bonhomme. Ces petits gastéropodes avaient le don d’émouvoir Maman. Je la revois, assise sous le parasol, dans notre jardin de Bretagne, elle créait ses tapisseries qui faisaient l’admiration de la famille et des amis et moi assise à côté d’elle, je me grisais de son parfum, de sa virtuosité et nous discutions, heureuses d’être ensemble. Si un escargot, par inadvertance, croisait son regard azurin, elle lâchait son aiguillée, et l’animal se retrouvait sur sa main, alors elle me demandait de trouver une feuille de salade et là nous assistions aux hésitations des petites cornes de l’escargot. Maman adorait ce gastéropode tranquille et mignon et elle ne comprenait pas ma répulsion pour cet inoffensif petit animal.
Petite fille je n’avais rien contre les escargots et à Noël, chez ma tante, je mangeais de bon appétit les escargots dans leur coquille grasse du beurre d’escargot. Un Noël, mon cousin placé à ma droite, me demanda, d’un air innocent si je savais ce que je mangeais et naïvement je lui répondis des escargots et là, en accord avec ses sœurs, il me rappela que les escargots étaient ces petites bêtes avec une coquille et de petites cornes. L’effet fut immédiat, poussant un grand cri, je rejetais ce que j’avais dans la bouche et la soirée fut gâchée par ma belle crise de foie. C’est donc un lointain contentieux qui m’éloigne des escargots.

A suivre …
Tous droits réservés : Jeanne Bourcier