Nos féministes, celles qui ont marqué ma jeunesse et la jeunesse de centaines de femmes aujourd’hui mûres, disent que nous avons subi des siècles d’esclavage, que nous avons été soumises au désir masculin depuis la création du monde. Il est vrai que nous sommes sorties de la côte d’Adam et que c’est le serpent qui nous a dévergondées, mais l’on ne peut renier ni les sociétés matriarcales de la préhistoire ni la déesse mère des civilisations premières. L’on dit même que l’agriculture fut inventée par les femmes : Cérès, Proserpine, tout ça relève bien d’une sorte de pouvoir féminin, non ? Mais pour revenir plus près de nous, les féministes pourraient rendre hommage aux Précieuses et en particulier à Mademoiselle de Scudéry, une ardente adepte d’une société égalitaire : l’indépendance pour toutes, tel fut son combat. Elle était même devenue hostile au mariage sous prétexte qu’il nuisait à la pureté de l’amour ! Elle et d’autres Précieuses méprisaient « les saletés » et les « choses sales du mariage », en un mot, le coït. En revanche la conversation entre les femmes et les hommes était portée à la hauteur d’un art, ne disait-on pas « l’art de la conversation »? Et cet art a perduré jusqu’à la 1ère guerre mondiale. Et derrière tout cela, se menait un vrai combat pour le droit au divorce et même pour le droit au mariage à l’essai. Mais qui se souvient de Madeleine de Scudéry ?

Dans notre époque libérée, l’art de la conversation est réduit à son minimum vital ! Je ne rentrerai pas dans le débat sur les SMS, les réseaux sociaux et tutti quanti, en revanche je m’interroge sur l’expansion des collectifs, associations et regroupements divers dont les hommes sont exclus : Chœurs de femmes, collectifs des femmes de tel ou tel quartier, Solidarité Femmes, Paroles de femmes, Femmes solidaires, Voix de nanas …, là on revient à une sorte de gynécée géant, mais créé et voulu par les femmes ! On est entre nous, les hommes peuvent venir dans les manifestations pour porter les tables et démonter les tentes, pour le reste ils sont priés de faire profil bas. Cela donne la désagréable impression que nous ne vivons pas dans le même monde ! Nos féministes du XXIe siècle viennent nous expliquer que les hommes sont des monstres d’égoïsme, des pervers, des machos, des fainéants, des menteurs et j’arrête là car la liste serait longue. Et bien, j’ai l’impression qu’elles ne parlent pas des hommes que je connais, des hommes qui comme les femmes tentent désespérément de trouver leur place dans ce monde, dans cette société, qui sont confrontés aux mêmes problèmes que la gente féminine, bref des êtres humains. Ce débat me semble stérile comme ce texte qui pose la question du féminin/masculin en grammaire :« Souvenez-vous, quand vous étiez sur les bancs de l’école, de la première règle de grammaire qu’on vous a apprise: « Le masculin l’emporte sur le féminin ». Depuis, vous avez pris le réflexe de gommer dans vos phrases la forme féminine quand elle se mêle à la forme masculine. N’est-ce qu’un détail de la grammaire française ou s’y cache-t-il un enjeu plus important, celui, tout simplement, de l’égalité entre les hommes et les femmes? C’est la question que s’est posé le magazine WellWellWell, un mook (mi-magazine, mi-book) lesbien […] Cette année, la revue s’est lancé un défi de taille: déconstruire la grammaire telle qu’on la connaît et suivre des règles qui mettent « fin à la masculinisation de la langue ». La règle que nous connaissons aujourd’hui a été résumée en 1767 par le grammairien Nicolas Beauzée de la façon suivante: « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». « Si on ne le fait pas, qui le fait? », s’interroge Marie Kirschen, contactée par Le HuffPost. » (extrait de l’article du Huffington Post du 06/06/2015).
Je me demande si cette jeune femme se rend compte de l’inanité de son discours. Oui, certains grammairiens du XVIIIe siècle étaient de vilains messieurs qui faisaient passer le masculin avant le féminin dans l’écriture, en revanche dans la vie quotidienne, ils connaissaient les règles de la galanterie et le féminin l’emportait toujours sur le masculin ! Tout cela n’est, au fond, qu’une question d’éducation, de mentalité, de société !
Mais j’entends déjà nos féministes de tous poils, se récrier et lâcher le terme à la mode : Ecriture inclusive ! Mais qu’est-ce d’autre qu’une mode, cette écriture qui tue l’envie de lire ? Comment peut-on penser que pareille vacuité puisse faire aboutir le combat des femmes ? Parfois je me demande si ce genre de bouffonnerie n’a pas pour but de déprécier, ridiculiser le féminisme qui se bat pour les droits sociaux, salariaux … des femmes.

On peut constater, avec effroi, que ces combattantes de l’écriture inclusive, ne réclament, à aucun moment, ni la réouverture des centres de PMI, ni la création de crèches, ni …, ni …, la liste reste très longue. Les vrais combats du féminisme se placent à un autre niveau.
Tous droits réservés : Jeanne Bourcier